Andreas Husch

Améliorer la stimulation cérébrale profonde pour de meilleurs résultats

La stimulation cérébrale profonde (SCP) s’est révélée particulièrement efficace dans le traitement des symptômes associés aux troubles du mouvement, tels que la maladie de Parkinson. Cependant, les chirurgiens auraient besoin d'outils encore plus performants pour identifier les zones du cerveau à cibler et d'un moyen plus automatisé de tester les électrodes implantées.

Dans le cadre de son projet de thèse, financé par le programme « AFR PhD » du Fonds national de la recherche luxembourgeois (FNR), Dr Andreas Husch, informaticien, a développé des méthodes informatiques innovantes qui, en se basant sur des images, aident à améliorer la précision de la SCP. Elles sont déjà utilisées par des scientifiques et des cliniciens au Luxembourg et ailleurs dans le monde. Ces travaux de recherche ont été effectués au Centre hospitalier de Luxembourg (CHL) et au Luxembourg Centre of Systems Biomedicine (LCSB) de l'Université du Luxembourg.

La stimulation cérébrale profonde est une intervention chirurgicale consistant à implanter des électrodes de façon permanente dans le cerveau humain afin de soulager les symptômes de divers troubles neuropsychiatriques et des troubles du mouvement tels que les tremblements, la dystonie et la maladie de Parkinson. Les premières expériences de SCP ont eu lieu il y a environ 60 ans et les traitements de SCP modernes sont en place depuis environ 30 ans.

« Un stimulateur cérébral profond ressemble un peu à un stimulateur cardiaque (pacemaker) : il est normalement placé dans la région de la poitrine et il est relié au cerveau par un câble passant sous la peau. Ce dispositif est connecté à une électrode totalement flexible dans le cerveau », explique le Dr Andreas Husch. « L’électrode est connectée au pacemaker en quatre points.  Au cours de l'opération, le stimulateur cardiaque doit être programmé afin de définir lequel des ces points doit être stimulé et avec quelle intensité. La stimulation peut ainsi être adaptée au patient de façon à obtenir le meilleur résultat possible et idéalement aucun effet secondaire. »

Malgré plusieurs décennies d'expérience avec la stimulation cérébrale profonde, certains aspects pourraient être améliorés. Une question clé dans les travaux de recherche menées sur cette technique est de savoir comment définir avec précision les meilleures cibles à stimuler pour le traitement de différentes maladies, et dans ce cas-ci pour la maladie de Parkinson. C’est à ce niveau que des informaticiens comme Andreas Husch, qui se sont spécialisés en génie logiciel, en apprentissage machine (ou Machine Learning) et en imagerie, peuvent aider.

Des méthodes de prévision des inondations à la stimulation cérébrale profonde assistée par ordinateur

Pendant sa licence à l'Université en sciences appliquées de Trèves, Andreas a commencé à travailler sur un projet portant sur la prévision des crues de la Moselle. Le lien entre la prévision d'inondations et la stimulation cérébrale profonde n'est pas évident à première vue, mais Andreas explique le dénominateur commun :

« Dans une rivière, vous pouvez suivre l’évolution du niveau de l’eau au fil du temps. Dans le cerveau, vous pouvez enregistrer l’activité électrique d’un neurone et obtenir un signal qui évolue dans le temps. Par conséquent, les données sont très semblables. Cela signifie que vous pouvez appliquer des algorithmes similaires. »

Pendant son master, Andreas a travaillé avec le professeur en informatique, Peter Gemmar, qui participait à des projets faisant le lien entre SCP et prévision des crues. Il a appliqué certaines idées algorithmiques issues des travaux sur les inondations à la SCP dans le cadre d'une collaboration avec le Prof. Dr. Frank Hertel. Ce dernier dirige le département de neurochirurgie au Centre Hospitalier de Luxembourg (CHL) et a exprimé le besoin urgent d'amener des informaticiens dans la salle d'opération lors des interventions de SCP.

« J'ai passé beaucoup de temps à observer les chirurgies, à essayer de comprendre les besoins des chirurgiens : de quoi ont-ils vraiment besoin et comment pouvons-nous aider avec notre expertise en informatique », explique Andreas.

Répondre à un besoin au niveau post-opératoire

« À l'origine, mon projet devait se concentrer sur l'amélioration de la phase opératoire mais, en cours de route, de nouveaux développements dans le domaine ont fait glisser notre intérêt vers la phase post-opératoire », explique Andreas. Ce sont les nouvelles électrodes développées pour la SCP qui justifièrent ce changement. Traditionnellement, les électrodes implantées dans le cerveau ont quatre point de contact, mais il est maintenant possible d’en avoir jusqu’à huit avec des formes plus complexes permettant de « diriger » le courant dans une certaine direction.

« Cela rend naturellement la partie post-opératoire beaucoup plus complexe, car vous travaillez avec plus de points de contact et il faut beaucoup plus de temps pour programmer le stimulateur. Il était donc devenu urgent de proposer une aide post-opératoire aux chirurgiens », explique Andreas.

Ceci a conduit Andreas à développer l’algorithme ‘PaCER’, qui est actuellement le seul algorithme entièrement automatisé publié dans une revue scientifique, et le plus précis pour visualiser une électrode après l’opération à partir de données issues de scanners. L’objectif général du projet était de permettre une évaluation objective et aussi automatisée que possible de l’intervention, ainsi qu’un soutien pour une stimulation cérébrale profonde personnalisée. Cela contribue à une meilleure compréhension du fonctionnement de la SCP à l’échelle individuelle et peut permettre d'améliorer la thérapie en fournissant une assistance informatique personnalisée au médecin.

Breveté ou open source?

Le logiciel PaCER étant open source, la communauté scientifique peut l’utiliser librement. Un groupe de recherche de l’hôpital universitaire Charité Berlin en Allemagne (groupe LeadDBS) l’a par exemple intégré dans sa boîte à outils « Lead DBS », une ensemble de solutions informatiques pour la recherche sur la SCP, le rendant ainsi accessibles aux chercheurs du monde entier.

Une solution automatisée pour les chirurgiens

Andreas a voulu aller plus loin en automatisant encore plus la routine des chirurgiens. « Nous avons collaboré avec Mikkel Petersen de l’Université d’Aarhus au Danemark et avons essayé d’intégrer PaCER dans un pipeline automatique. Si vous voulez aider le médecin, vous devez lui fournir une bon aperçu de la structure cérébrale de chaque patient et une carte 3D du cerveau entièrement interactive. C’est exactement ce que nous avons fait dans ce nouveau projet », explique Andreas.

« Avec le nouvel outil 3D, les chirurgiens peuvent voir si les contacts / électrodes sont bien placés et comment ils peuvent améliorer le positionnement sans avoir à tout tester. Bien qu'il s'agisse encore d'un prototype, l'idée est de montrer comment il pourrait être utilisé en clinique. » Ses collaborateurs au Danemark ont ​​déjà mené une petite étude de validation clinique indépendante dans laquelle ils ont rapidement été en mesure d'appliquer ces méthodes à leurs données cliniques.

Quand on lui demande si PaCER pourrait devenir la norme pour le suivi post-opératoire de la stimulation cérébrale profonde, Andreas répond que oui, mais qu’il faudrait encore ajouter des extensions et la participation d’une société pour obtenir le marquage CE, le marquage réglementaire indiquant qu’une méthode est approuvée et peut être appliquée aux patients au sein de l'Union européenne.

Un prix pour l'amélioration de la phase post-opératoire de la SCP

En septembre 2018, un prix attribué par par InSilico Trials et le VPH Institute a récompensé Andreas Husch pour son travail de doctorat, et plus particulièrement pour les améliorations apportées à la phase post-opératoire de la SCP. Dr. Husch a également été récemment invité à donner une présentation lors d’une conférence à Shanghai, durant laquelle il a abordé les aspects clés de sa thèse. Il a donné cette présentation en compagnie du Prof. Dr. Professeur Frank Hertel, un de ses directeurs de thèse, mettant en évidence que la recherche interdisciplinaire « made in Luxembourg » est maintenant prête pour la scène internationale.

> Découvrez l’interview complète.

> Les patients présentant des troubles du mouvement, tels que la maladie de Parkinson, des tremblements (tremblements essentiels et tremblements rares) ou la dystonie (adultes ou enfants), peuvent se présenter au centre de stimulation cérébrale profonde au Luxembourg.

Photo: LCSB/scienceRELATIONS